Le portrait dans l’histoire de l’art

Les plus grands portraitistes de l’Histoire

Parler des plus grands portraitistes conduit à être nécessairement subjectif et à faire des choix qui ne nous font pour autant pas oublier l’extrême vitalité d’un genre qui irrigue toute l’histoire de l’art.

Des racines anciennes au tournant de la Renaissance

Les racines de l’art du portrait remontent probablement aux temps préhistoriques, bien que peu de ces œuvres nous soient parvenues. La plupart des premiers portraits médiévaux représentent des donateurs, d’abord essentiellement des papes, dans des mosaïques et des enluminures romaines. Vers la fin du XIVe siècle, les portraits à l’huile d’individus contemporains, peints sur de petits panneaux de bois, émergent en France. Parmi les primitifs flamands maîtres du portrait figurent Jan van Eyck, Robert Campin et Rogier van der Weyden.

La Renaissance marque un tournant dans l’histoire de l’art du portrait. À cette époque, ces tableaux jouent un rôle important dans la société et sont appréciés comme des objets et des représentations de la réussite et du statut terrestres. Les plus grands artistes (Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël) sont considérés comme des génies, s’élevant du statut de commerçants à celui de serviteurs de la grandeur de la cour et de l’Église.

Les artistes d’Europe du Nord ouvrent la voie à des portraits réalistes de sujets profanes. Le plus grand réalisme chez ces artistes, au cours du XVe siècle, se manifeste par une touche de pinceau plus légère et des effets avec la peinture à l’huile, tandis que les peintres italiens et espagnols utilisent encore la tempera.

Parmi les premiers peintres à développer la technique de l’huile se trouve Jan van Eyck. Aux Pays-Bas, Jan van Eyck est un portraitiste de premier plan. L’œuvre Les époux Arnolfini est un jalon de l’art occidental, premier exemple d’un portrait de couple en pleine longueur, peint dans des couleurs riches et dans les moindres détails. Mais le tableau met aussi en valeur la technique de la peinture à l’huile mise au point par Jan van Eyck, qui révolutionne l’art et se propage à travers l’Europe. Albrecht Dürer est un dessinateur hors pair et l’un des premiers grands artistes à faire une séquence d’autoportraits, dont une peinture de face. Il place également son visage (comme spectateur) dans plusieurs de ses peintures religieuses. Dürer commence à réaliser des autoportraits à l’âge de 13 ans. Plus tard, Rembrandt amplifiera cette tradition. En Italie, Masaccio ouvre la voie à la modernisation de la fresque en adoptant une perspective plus réaliste. Filippo Lippi, quant à lui, inaugure l’élaboration de contours plus nets et de lignes sinueuses, tandis qu’en Italie, son élève, Raphaël, développe le réalisme à un niveau beaucoup plus poussé dans les décennies suivantes, avec ses monumentales peintures murales.

Pendant la Renaissance, les noblesses florentine et milanaise, en particulier, demandent des représentations plus réalistes d’elles-mêmes. Le défi de créer des images complètes et convaincantes, de trois-quarts, stimule l’expérimentation et l’innovation. Sandro Botticelli, Piero della Francesca, Domenico Ghirlandaio, Lorenzo di Credi, Léonard de Vinci et d’autres artistes élargissent leur technique en conséquence, ajoutant le portrait à des sujets religieux et classiques traditionnels.

L’un des portraits les plus connus dans le monde occidental est Mona Lisa, ou La Joconde, de Léonard de Vinci, nommée d’après Lisa del Giocondo. Le célèbre « sourire de La Joconde » est un excellent exemple de l’application de la subtile asymétrie à un visage. Les portraits de Raphaël sont beaucoup plus nombreux que ceux de Léonard de Vinci et montrent une plus grande variété de poses, d’éclairages et de techniques. Son chef d’œuvre, L’École d’Athènes, est l’une des fresques de groupe les plus importantes, contenant les portraits de Léonard de Vinci, Michelangelo, Bramante et Raphaël lui-même, sous l’aspect de philosophes de l’Antiquité.

Plus tard, au cours du XVIe siècle, Titien assume essentiellement le même rôle, notamment en élargissant la variété des poses et des séances de ses sujets royaux. Il est peut-être le premier grand portraitiste d’enfants. Après que Titien a succombé à la peste, Tintoretto et Véronèse, devenus les premiers artistes vénitiens, contribuent à la transition vers le maniérisme italien.

Le portrait qui a traversé l’Histoire

Parmi les œuvres créées par Léonard de Vinci dans les années 1500, se trouve un petit portrait intitulé La Joconde (1503-1506) ou Mona Lisa. Le tableau est connu, en particulier, pour l’insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s’accordent à dire qu’il s’agit de Lisa del Giocondo, sans pour autant en être certains. Le mystère qui entoure cette peinture est peut-être lié au fait que l’artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. Le travail des ombres, dont la qualité est réputée, a été appelé «sfumato». Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l’hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que l’artiste ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu’ils aient ensuite été enlevés, notamment parce qu’ils n’étaient pas en vogue au milieu du e siècle. Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire – laissant les yeux et les mains non concurrencés par d’autres détails –, le paysage de fond spectaculaire, le travail des couleurs et la technique de peinture très douce, employant des huiles posées un peu comme de la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables.

La Joconde
La Joconde (1503-1506) ou Mona Lisa

Rembrandt : le maître du genre

Rembrandt Harmenszoon van Rijn, habituellement désigné sous son seul prénom de Rembrandt, est né à Leyde le15juillet 1606-1607 et mort à Amsterdam le 4octobre 1669. Généralement considéré comme l’un des plus grands peintres de l’histoire de la peinture, notamment baroque, il est l’un des peintres majeurs de l’école hollandaise du XVIIème siècle. Il a également réalisé des gravures et des dessins, et figure comme l’un des plus importants aquafortistes de l’histoire. Il a vécu pendant ce que les historiens nomment le Siècle d’or néerlandais (approximativement le XVIIème siècle), durant lequel culture, sciences, commerce et influence politique des Provinces-Unies ont atteint leur apogée. Rembrandt a réalisé près de 400 peintures, 300 eaux-fortes et 300 dessins. La centaine d’autoportraits qu’il a réalisés tout au long de sa carrière permet de suivre son parcours personnel. L’une des caractéristiques majeures de son œuvre est l’utilisation de la lumière et de l’obscurité (technique du clair-obscur inspirée du Caravage), qui attire le regard par un jeu de contrastes appuyés. Il est également connu pour la matérialité de sa peinture et son style rugueux, en opposition avec le style lisse et fini de ses contemporains. Ce n’est pas un peintre de la beauté ni de la richesse, il montre plutôt la compassion et l’humanité, qui ressortent dans l’expression de ses personnages, parfois indigents ou usés par l’âge.

Portrait de Saskia van Uylenburgh, femme de l’artiste. Huile sur toile, 88,6 x 75,6 cm.
Widener Collection, National gGallery of Art, Washington.

Le XIXe siècle : romantisme et néoclassicisme

À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, les peintres français Jacques-Louis David et Jean-Auguste-Dominique Ingres redoublent de virtuosité dans l’exécution de leurs portraits et approfondissent la prise en compte du caractère de leurs modèles. Les artistes romantiques qui travaillent au cours de la première moitié du XIXe siècle peignent des portraits de dirigeants charismatiques, de belles femmes et des sujets agités, en utilisant des coups de pinceau vifs et tourmentés, avec parfois un éclairage d’atmosphère. Les artistes français Eugène Delacroix et Théodore Géricault produisent des portraits de ce type particulièrement beaux, en particulier des cavaliers s’élançant. L’Espagnol Francisco de Goya peint quelques-unes des images les plus déstabilisantes et provocantes de la période, dont La Maja nue.

Les artistes réalistes du XIXe siècle, comme Gustave Courbet, créent des portraits objectifs qui mettent en scène des personnes appartenant aux classes moyennes et populaires. Henri de Toulouse-Lautrec, quant à lui, chronique la vie de célèbres artistes de cabaret et les saisit en mouvement. Le peintre français Édouard Manet est un important artiste de transition, dont l’œuvre oscille entre réalisme et impressionnisme. Pour la plupart, les peintres réalistes cèdent la place aux impressionnistes dans les années 1870. Ces derniers utilisent leur famille et leurs amis comme modèles et peignent beaucoup de groupes et d’individus en extérieur ou dans des intérieurs baignés de lumière. C’est ce que fera le peintre espagnol Joaquin Sorolla. Les peintres français Claude Monet et Auguste Renoir créent certains des portraits les plus populaires d’individus et de groupes. Paul Gauguin et Vincent van Gogh, tous deux post-impressionnistes, peignent des portraits révélateurs de personnes qu’ils connaissent, tourbillonnant de couleurs, mais pas nécessairement flatteurs. John Singer Sargent chevauche également le changement de siècle, mais rejette l’impressionnisme et le post-impressionnisme. Il est le peintre de portrait le plus prospère de son époque et utilise une technique essentiellement réaliste, souvent relevée par l’utilisation brillante de la couleur.

Pierre-Auguste Renoir,
La rêverie
ou
Portrait de l’actrice Jeanne Samary.
1877. Huile sur toile, 56 x 46 cm.
© Musée Pouchkine, Moscou.

Tableau à la loupe

Le fond : Le fond sobre sur lequel se découpe le modèle est obtenu avec des traits rapides, tout comme le vêtement ou le buste de la jeune femme, en appréciant la base dessinée qui se devine derrière le coup de pinceau. L’arrière-plan, en dépit de la rapidité du geste, décline des harmonies de rose, couleur complémentaire aux nuances de vert du corsage.

Le regard : Le regard se dirige vers le spectateur, soulignant les yeux clairs et les lèvres peintes de rouge qui dessinent un doux sourire. Les yeux sont rêveurs et fixent doucement mais frontalement le spectateur, comme pour tisser une relation avec lui.

La composition : Le tableau est divisé en deux par un axe vertical. Les épaules marquent également une partition en deux sur un axe horizontal. Le bras du personnage amène le regard du spectateur vers le regard de la modèle, qui s’inscrit dans un triangle. Seul le visage est représenté nettement.

Le XXe siècle : la multiplication des styles

Au début du XXe siècle, des artistes élargissent le répertoire du portrait vers de nouvelles directions. Le fauve Henri Matisse produit de puissants portraits à l’aide de couleurs non naturalistes pour les tons de la peau. Cézanne, quant à lui, s’appuie sur des formes très simplifiées, évitant les détails tout en soulignant les juxtapositions de couleurs. Le prolifique artiste espagnol Pablo Picasso peint beaucoup de portraits, dont plusieurs cubistes. Les peintres expressionnistes fournissent certaines des études psychologiques les plus envoûtantes et convaincantes jamais produites. Des artistes allemands comme Otto Dix et Max Beckmann donnent des exemples notables de portraits expressionnistes. Amedeo Modigliani peint de nombreux portraits dans son style allongé qui déprécie la « personne intérieure » en faveur de strictes études de formes et de couleurs. Par ailleurs, les portraits de Tamara de Lempicka capturent admirablement l’atmosphère de la période Art déco avec des courbes simplifiées, des riches couleurs et des angles vifs. La production de portraits en Europe et aux Amériques diminue de façon générale dans les années 1940 et 1950 en raison de l’intérêt croissant pour l’abstraction et l’art non figuratif. Mais dans les années 1960 et 1970 se manifeste une renaissance de l’art du portrait. Des artistes anglais comme Lucian Freud et Francis Bacon produisent de puissantes peintures.

Histoire d’un tableau

Joaquín Sorolla y Bastida est un peintre espagnol né le 27 février 1863 à Valence et mort le 10 août 1923 à Cercedilla. Il est connu pour ses scènes de genre alliant réalisme et lyrisme. Son style a été qualifié d’impressionniste, de post-impressionniste ou encore de luministe. Une facette importante de cet artiste est son activité de portraitiste. En 1914, il est nommé universitaire. Après ses travaux pour l’Hispanic Society, il travaille comme professeur de composition et de couleur à l’école des Beaux-Arts de Madrid. Son utilisation du blanc comme couleur principale donne à ses œuvres une luminosité inégalée et constitue sa marque distinctive. La contribution la plus importante de Sorolla fut le coup de pinceau et la couleur fluides avec lesquels il développa un style avant-gardiste authentique, teinté des préoccupations culturelles et philosophiques de l’époque. Pescadora Valenciana représente une scène de tous les jours sur la côte espagnole de Levante au début du xxème siècle. Comme c’était souvent le cas, la femme devait contribuer à l’économie domestique par son travail.

Joaquin Sorolla.Pescadora Valenciana.
1916. Huile sur toile, 46 x 37 cm.

Source : Pratique des arts – Hors série portraits – Novembre 2020

Pour recevoir tous les articles et vidéos

Inscrivez-vous !

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Laisser un commentaire